réaction de lutte ou de fuite

imaginez-moi : dans les douches peu privées d'un bâtiment en taule, que je partage avec des femmes de nationalités différentes aux habitudes tout aussi diverses. je suis en train de rincer le mélange eau + bicarbonate de soude que j'utilise depuis bientôt 2 mois en remplacement de mes traditionnels et peu heureux shampoings commerciaux. entre les 3 paroles de la chanson que j'ai dans la tête depuis la veille au soir, une pensée me vient.

quand j'ai commencé à être sexuellement active - il y a donc un peu moins de 15 ans -, j'ai naturellement et pratiquement instantanément développé une peur panique de LA pire chose associée au sexe.

être pris.e en flagrant délit par les parents ? non, j'étais discrète. les infections sexuellement transmissibles ? bof, j'étais prudente. les mecs qui pensent qu'à eux et oublient vite le consentement ? non plus, j'étais naïve (quelle époque merveilleuse).

la peur qui m'a accompagnée depuis mes premiers moments intimes, c'est l'accident. la capote qui craque, la pilule oubliée, les règles en retard, la mauvaise nouvelle, devoir le dire à maman et prendre une décision fâcheuse.

je me souviens entendre, horrifée, mes copines dire avec fierté que leur "mec déteste la capote, du coup il se retire. c'est super sexy, ça fait monter la pression." chez moi, la seule chose qui montait quand j'entendais ça, c'était la pression artérielle. en bonne rabat-joie je-sais-tout que j'étais déjà, je parlais du liquide pré-séminal et du fait qu'il fallait que les mecs se forcent un peu aussi ! (je t'aime, Polly de 2008)

ma mère devait sûrement partager cette inquiétude, parce qu'elle m'a rapidement proposé de prendre la pilule, que j'ai gardée pendant des années malgré les déboires qu'elle m'a infligée (mais ça vaut un autre article - que dis-je, un tout autre blog), avant de passer au stérilet, que j'ai couplé à la capote quand il était bientôt temps de le changer, juste par précaution.

— en un mot comme en mille, je ne voulais vraiment pas tomber enceinte. —


alors comment moi, la Polly qui s'efforçait de ne pas être fertile et/ou fécondée, je suis passée de l'autre côté ? comment cette peur ancrée en mes tripes reproductives depuis si longtemps va-t-elle se manifester quand j'aurai la confirmation que je suis bel et bien enceinte ?

est-ce que c'est ça, le fameux appel du ventre ? se dire qu'après tout, sentir la vie se développer au creux de nous, ce n'est plus une idée si terrible, une pensée qui déclenche notre réaction de lutte ou de fuite ? 

j'imagine que l'on nourrit une impatience si enthousiaste lorsque l'on décide de mettre la machine en marche que les angoisses développées depuis tant d'années s'estompent d'elles-mêmes. ou du moins, elles se font moins assourdissantes.

avec ce changement de camp des émotions, le soulagement et la fierté que mon Aussie et moi ressentions de n'avoir jamais vécu "d'accidents" durant notre jeunesse, se transforme aujourd'hui en angoisse.

"ça m'est jamais arrivé !
- haha, moi non plus !
- cela dit des fois ça relevait du miracle !
- ouais, moi aussi
- genre des fois ça aurait vraiment dû arriver...
- ouaip, pareil...
- c'est presque un peu bizarre que ce soit jamais arrivé...
- mmh...
- ..."

...

"et si l'un de nous était stérile ?"

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